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12 janv. 2020

Time 5 minutes

Portrait #gensduvieux: Toby Lyle

Portrait #gensduvieux: Toby Lyle

On arrive au Wolf and Workman après le rush du dîner et l’atmosphère est redevenue paisible. Toby Lyle, l’un des propriétaires, nous rejoint, salut amical et sourire avenant. Un léger accent anglo dans son «bonjour» nous plonge immédiatement dans l’ambiance réussie de ce pub anglais aux murs de briques invitant. Vieux roublard dans l’industrie des bars, Toby compte trois établissements rien que dans le Vieux-Montréal, un quartier dont il a suivi l’évolution de près avant de choisir d’y ouvrir ses propres pubs.

Toby, mémoire du Vieux

«Fin des années 90, début des années 2000, j’ai connu le quartier parce que j’étais placier au Centaur. Ensuite, j’ai travaillé presque trois ans au U Lounge, qui depuis est devenu le Santos et après ça, j’ai été embauché à l’Hôtel W, comme directeur de bar» explique Toby. Il a vu la transformation du quartier qui n’a pas toujours été si accueillant ni achalandé. «Au début où j’y étais, il y avait un club de jazz, beaucoup moins de touristes, des bureaux d’affaires, mais pas tellement de résidents. Je dirais qu’il y a eu un tournant, dans les années 2008-2009-2010. Les gens ont commencé à être fiers d’habiter ici, et l’ambiance a changé.» Pour lui, l’ouverture de plus en plus d’hôtels dans le quartier a aussi permis d’amener des touristes tout au long de l’année et a donné un nouveau souffle au Vieux-Montréal, «y compris pour les locaux» souligne Toby.

Le Vieux-Montréal de tous les possibles

«Avant 2010, jamais je n’aurais voulu installer le Wolf and Workman ici, rue St-Paul» explique Toby catégorique. «Mais l’achalandage et le type de clientèles a beaucoup changé». Ouvert à l’année, de midi comme de soir, l’établissement voit en effet tantôt une clientèle en dîner d’affaires ou en 5@7 (le propre du pub, comme on peut s’y attendre), mais aussi des touristes ou des amis venus se détendre dans ce cadre britannique et chaleureux.

«Le Wolf and Workman voit vraiment des travailleurs et des touristes, le Brit N’Chips ouvert rue McGill en 2010, beaucoup plus des locaux, mais c’est normal, on est dans le quartier des affaires», détaille-t-il encore. Pourtant, une chose l’a surpris: «Honnêtement, ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est que le Brit N’Chips, qui est si typiquement anglais, remporte un succès surtout auprès des Québécois francophones» explique, ravi, celui dont les racines anglaises peuvent se sentir bien fières.

Toby, l’Anglais de Montréal

Si son français est parfait, c’est que Toby se sent Montréalais et pour lui le bilinguisme est autant un atout qu’une réalité quotidienne. «C’est un des premiers critères quand j’embauche, tout le monde à l’avant doit être bilingue». Né au Québec, il a passé tous ses étés d’enfant dans sa famille en Angleterre et il faut lui reconnaître ce côté gentleman un peu marin, quand il passe la main dans ses cheveux peignés en arrière. «Avant d’ouvrir, on est allés à Londres avec mes partenaires. Je voulais qu’ils comprennent, qu’ils vivent ce que c’est, un authentique pub anglais» explique Toby qui en connaît long sur les subtilités et les différences des pubs britanniques - car écossais, irlandais ou anglais, chacun a sa singularité.

C’est une authenticité qui ne se fabrique pas et cette essence anglaise va jusque dans le nom de l’établissement. «J’adore l’histoire, lance-t-il pour commencer, alors le Wolf and Workman doit son nom à deux anciens maires de Montréal, Wolfred Nelson, un anglophone qui était patriote, médecin et chef militaire, un gars vraiment impressionnant et engagé, et William Workman qui avait ses bureaux ici. En Angleterre, le nom des pubs est souvent relié au folklore local, on a voulu garder ça nous aussi!».

Vitrine du local, une fierté et un incontournable pour Toby

Même si les alcools et certains items du menu ne sont pas d’ici, l’effort a vraiment été fait pour proposer aux clients des produits québécois sur les menus de table et de bar. «Il y a deux choses, explique Toby. D’abord, de plus en plus de distilleries ont vu le jour au Québec et honnêtement, elles font un très bon travail. Ensuite, il y a tellement de touristes qui viennent ici, dans le quartier historique, que le Vieux-Montréal est selon moi une excellente vitrine pour nos produits locaux et qu’on ne devrait pas manquer cette opportunité pour les faire découvrir.» analyse Toby qui aime aussi surprendre les gens d’ici avec des produits ou alcools qu’ils ne s’attendaient pas à découvrir de leur coin.

Sérieux et sens du détail, les pubs sont un vrai travail

«Depuis quelques années, le monde de la restauration et des bars s’est professionnalisé. Tu trouveras toujours des étudiants et des gens qui font ça on the side, mais beaucoup plus de monde l’envisage comme une carrière et c’est tant mieux!» se félicite Toby qui apprécie pouvoir compter sur un personnel de plus en plus qualifié. «Bien sûr, on regarde du côté de l’ITHQ, qui offre de solides formations, et aussi si la personne a de l’expérience à Montréal, son niveau français/anglais, explique Toby. Et je vais peut-être te surprendre, mais question cuisine, si la personne est passée par McDo, c’est souvent un plus, c’est très strict là-bas alors ça donne d’excellentes bases pour la propreté, la rapidité d’exécution, etc.».

Faire sa place et bien s’entourer avant de partir en affaires

Le milieu est très prenant et les horaires loin d’être faciles. Quand on lui parle conciliation famille-travail, ce papa d’une petite fille de 4 ans lève les yeux au ciel un peu désolé. «On n’a pas beaucoup fermé ici» s’excuse-t-il presque. «Mais si ma fille veut se lancer dans ce travail quand elle sera grande, je ne la découragerai pas. Par contre, elle commencera par le bas. Pour moi, c’est non négociable, tu dois faire tes classes et apprendre par toi-même» souligne catégorique ce patron de pubs et homme d’affaires expérimenté. Et d’ajouter «Quand quelqu’un est fait pour ce métier, tu le vois tout de suite, un de mes anciens busboy est aujourd’hui un partenaire.».

Quand on regarde le parcours de Toby, plusieurs fois associé dans ses établissements, on peut s’étonner que toutes ses ententes soient des réussites. «Associe-toi avec des gens que tu connais, ça c’est mon conseil. Tu vas partager un compte en banque et beaucoup de stress, alors tu es mieux d’être sûr(e) de la ou les autres personnes qui embarquent!» .